Bas s’est mis au vélo grâce à son doctorat
Né à Bruxelles, Bas de Geus, a toujours vécu dans la capitale. Un echt brusseleir ! Le vélo, par contre, n’a pas toujours fait partie de sa vie. Il confie : « lorsque j’étais enfant, je ne roulais pas à vélo ».
Et pourtant, après des études en éducation physique et en kiné, il choisit de se lancer dans un doctorat sur… les effets bénéfiques de la petite reine. Alors, sans doute pour allier la théorie à la pratique ou pour ne pas être en contradiction avec sa recherche, il commence également à enfourcher une bicyclette pour se déplacer.
Aujourd’hui, Bas est professeur assistant à la Vrije Universtiteit Brussel et chercheur au sein du Human physiology research group (MFYS). Et le vélo est toujours au cœur de ses recherches.
"Pour votre santé, mieux vaut rouler à vélo qu’en voiture à Bruxelles"
Mais revenons à sa thèse: elle consistait en une étude sur des volontaires, hommes et des femmes âgés de 18 à 65 ans (dans les faits, la majorité avait entre 35 et 54 ans). « Le critère principal était qu’ils soient sédentaires, qu’ils ne pratiquent aucune activité physique », raconte Bas de Geus. Ces « cobayes » se sont vus offrir un vélo qu’ils se devaient d’utiliser au minimum trois fois par semaine pour se rendre au travail.
A l’entame du processus, des tests physiques ont été menés sur les candidats pour mesurer leur VO2max (le volume maximum d’oxygène consommé durant l’effort ; il indique les capacités d’endurance d’un individu). Une prise de sang et des tests psychologiques (pour voir comment ils se sentaient moralement et physiquement) ont également été effectués.
Après six mois puis après un an, les volontaires passaient à nouveau ces tests pour évaluer les changements éventuels. « On a vu que leur condition physique s’était améliorée, qu’ils avaient plus de facilité à rouler à vélo à la fin qu’au début. Par ailleurs, le ‘bon’ cholestérol avait augmenté tandis que leur ‘mauvais’ cholestérol avait baissé. Par conséquent, leur risque cardiovasculaire avait diminué », note le chercheur.
Et ce n’est pas tout. Au niveau psychologique, par rapport à un groupe contrôle – dont les membres ne faisaient pas de vélo – les néo-cyclistes se sentaient beaucoup plus vifs. « Ils avaient davantage de motivation au réveil. Ils se sentaient mieux au boulot et ils abordaient les tâches physiques plus facilement », poursuit le scientifique.
"Se déplacer à vélo n’est pas impossible"
Bas de Geus, a encore contacté les volontaires un an et demi après ce dernier test (soit deux ans et demi après le premier contact) pour voir s’ils continuaient à rouler à vélo. Belle surprise pour Bas : « 70 à 80% des candidats avaient abandonné leur voiture pour aller au boulot ! Cela montre qu’avec un petit coup de pouce, les gens réalisent que se déplacer à bicyclette n’est pas impossible ».
Au cours de l’étude, les chercheurs avaient aussi remarqué que le nombre de kilomètres parcourus augmentait. « Les volontaires commençaient à prendre le vélo pour aller faire des courses, aller à des activités… », explique-t-il.
Les effets bénéfiques du vélo pour la santé sont nombreux. Les employeurs devraient d’ailleurs promouvoir son utilisation car différentes études hollandaises ont montré que les cyclistes étaient moins souvent absents que les autres. « Nos expériences prouvent que ceux qui enfourchent leur vélo sont aussi plus attentifs au boulot, de meilleure humeur et vivent plus longtemps et en meilleure santé », affirme Bas de Geus.
La petite reine fait « diminuer le risque de développer un diabète de type 2 (or, c’est une maladie qui va exploser) et peut aussi faire perdre du poids. Même à 50 ans, il est possible de renverser la vapeur », souligne encore le chercheur.
"On vit dans une ville polluée"
Mais tout n’est pas rose au pays du deux roues à Bruxelles. Et Bas de Geus n’est pas là pour occulter les aspects négatifs dont le principal est : la pollution. « Il faut faire comprendre aux gens qu’on vit dans une ville polluée. Pour les adultes, cela n’est pas encore trop grave. Même si chaque année, 632 personnes meurent prématurément à Bruxelles en raison de la pollution de l’air. Mais, concernant les enfants, leur cerveau, leurs poumons… souffrent de vivre en ville », déplore-t-il. Quant aux personnes âgées, le risque de problème cardio-vasculaire augmente en relation avec la dose de pollution de l’air.
En roulant à vélo dans les rues de la capitale, on s’expose logiquement à cette pollution. « Une étude publiée avec VITO et l’UCL , a démontré que les quantités de particules fines inhalées par un cycliste par rapport à un automobiliste sur un même trajet étaient quatre fois plus élevées. Si on ne regarde que le paramètre de la pollution, il est donc préférable de rouler en voiture qu’à vélo », déclare le chercheur.
"Gain de vie pour les cyclistes"
Mais, bonne nouvelle, si on prend en compte l’activité physique, il est meilleur pour la santé de rouler à vélo qu’en voiture malgré la mauvaise qualité de l’air. « En outre, à vélo, on est plus flexible. On peut prendre des routes moins nocives. Vous pouvez utiliser les applications qui indiquent aux automobilistes les artères très fréquentées ; il faut éviter de les prendre à vélo », conseille Bas de Geus. « A Bruxelles, c’est simple, la pollution de l’air, inhalée par les navetteurs, vient des voitures. Il n’y a quasiment pas d’industrie contrairement à Anvers par exemple », poursuit-il.
Même en tenant compte des risques d’accidents - qui sont pourtant également plus élevés (par kilomètre parcouru) pour les cyclistes que pour les automobilistes – l’espérance de vie d’un cycliste est plus élevée que celle d’un automobiliste. Les cyclistes gagnent 8 mois de vie grâce aux bénéfices du vélo sur leur cholestérol et leur système cardiovasculaire. Avec le risque d’accidents, ils perdent 7 jours et 21 jours à cause de la pollution. Si on rassemble les différents paramètres, les cyclistes gagnent environ 7 mois. « Il est donc bien meilleur de rouler à vélo qu’en voiture », conclut le chercheur.
"La société doit se poser des questions"
« Depuis la deuxième guerre mondiale, l’espérance de vie n’a cessé d’augmenter. Mais pour la première fois, celle-ci commence à diminuer et ceci en grande partie à cause du manque d’activité physique. La société doit se poser des questions », affirme Bas de Geus.
Rien qu’au niveau financier, la société gagnerait à ce que davantage de personnes roulent à vélo. « Un cycliste fait économiser à la sécurité sociale 1300 euros par an », avance le scientifique. Et diminuer le nombre de voitures permettrait aussi de faire baisser la pollution. « Cela serait bénéfique pour les cyclistes mais cela engendrerait moins de pollution 24 heures sur 24 dans les maisons, les bureaux… Et cela ferait baisser la pollution sonore qui, on le sait, engendre des conséquences négatives pour la tension artérielle et le cœur. Toutefois, pour que les gens voient qu’il y a moyen de modifier leurs comportements, il faut de grands changements d’infrastructures et de mentalité », clame le chercheur.
"S’adapter aux circonstances, c’est juste logique"
Le vélo pour Bas de Geus, est plus qu’un sujet de recherche; il est aussi une pratique familiale: lui et son épouse vont travailler tous les jours en deux roues, leur fille de cinq ans, roule sur son propre vélo depuis qu’elle a trois ans. Et le petit dernier, âgé de deux ans, est emmené à la crèche dans une remorque placée à l’arrière du vélo.
En plein hiver, lorsqu’il fait encore sombre le matin, Bas préfère toutefois prendre le tram avec son fils. Son épouse et sa fille continuent de prendre le vélo.
Adapter son mode de déplacement aux conditions (météo, distances..), pour Bas, c’est juste logique. « Ca devrait être le réflexe. Je n’aime pas la voiture alors en fonction des circonstances, on va à pied, en transports ou à vélo. Avec un vélo pliable, on peut aussi facilement combiner le deux roues et le train. Ceux qui utilisent leur voiture disent qu’ils gagnent du temps mais ce n’est pas toujours vrai. Le problème de la voiture, c’est que ça devient une habitude. Les gens ne se demandent pas chaque jour quel est le meilleur moyen de se déplacer d’un point A à un point B. Ils ne se disent pas : « est-ce que je ne pourrais pas prendre le métro ? Ou le vélo ? ».
Bas et son épouse ont une voiture qu’ils utilisent une fois par semaine pour faire les courses ou lorsqu’ils doivent sortir de Bruxelles. « De même, si nous devons faire 10 kilomètres par exemple, nous la prenons. Nous ne sommes pas des extrémistes ! », sourit le chercheur.
Mais Bas affirme qu’avec tous les systèmes (voitures partagées, location…) qui existent aujourd’hui, ce sera leur dernière !
Un article de Violaine Jadoul